Samedi 13 Août, heure de l’apéro.
La gorge sèche après une sortie génépi aux abords du Col de Mary, nous nous
arrêtons à Jausiers pour récupérer quelques bières locales dans la supérette du
village. Envie de boire un coup au bord de l’Ubaye avant de redescendre vers
Sisteron, d’admirer encore cette rivière qui accompagne depuis quelques années
mes pensées. Sur la vitrine du magasin, une affiche attire mon regard :
elle annonce la tenue du premier trail de Restefond la Bonette, la semaine
suivante. La décision est prise en deux petites secondes, je compte bien
participer à cette course organisée dans ce coin magnifique.
Dimanche 21 Août, avant l’aube.
Les nuages de la veille semblent avoir quitté le ciel. Le café a un goût de
frontière italienne. Je me force à manger un petit bout en pensant à un bouquin
de Richard Brautigan que j’aimerais bien relire. Je n’ai absolument aucune
certitude concernant ma forme actuelle, suite à un été carrément chaotique en
termes d’entrainement. Je ne me souviens même pas de ma dernière séance de
vitesse, mais ça m’importe finalement assez peu. Je suis simplement heureux de
participer à ce trail, dont le parcours me convient plutôt bien : une
vingtaine de kilomètres en montée, du village jusqu’aux casernes de Restefond,
sous le col de la Bonette.
Après un bref échauffement dans
les rues de Jausiers, je prends position sur la ligne de départ, où je ne connais
pas grand monde. Une tape dans le dos me fait me retourner, c’est l’aussi
sympathique que dynamique Stéphane Pillet, excellent coureur local avec qui
j’ai déjà partagé quelques kilomètres en course. Nous discutons quelques
instants, comme moi il ne sait pas trop où il en est niveau forme, il n’a guère
couru dernièrement. Le départ est donné quelques instants plus tard, mettant un
terme à nos échanges.
Je pars à un bon rythme, et me
retrouve aussitôt en tête, ce qui me surprend un peu. Je m’applique à suivre
les balisages qui nous sortent du village, et baisse un peu le pied aux abords
d’une section de piste qui monte doucement. Nous sommes trois, peut-être quatre
coureurs devant. Alain Bellagamba, émérite champion de ski alpi et de kilomètre
vertical, me dépasse par la droite. Malgré sa carrure et ses larges épaules, il
a une belle foulée tout en souplesse, et je décide de lui emboiter le pas. Le
chemin enchaine des portions raides et des passages plus vallonnés, dans des
sous-bois rendus humides par les pluies de la veille. En sortant d’un coup de
cul qui donne sur un replat, j’accélère franchement pour tester les jambes.
Quelques encablures plus loin, dans un virage, la montre d’Alain bippe, et il
se laisse décrocher. Un autre coureur m’emboite le pas : c’est Damien
Trivel, qui termine sa préparation pour l’Echappée Belle.
Pendant quelques dizaines de
minutes, nous courrons ensemble en silence, en prenant lentement de l’altitude.
Juste quelques mots rapides échangés sur une section de route. Il faut dire que
le rythme est soutenu. Dans les sections raides, tout va parfaitement, mais je
dois m’employer sur les passages roulants pour ne pas lâcher de terrain. Nous
prenons alternativement la tête, jusqu’au moment où nous sortons des parties
ombragées pour retrouver la lumière, tandis que la trace sillonne entre les
hautes herbes jaunes, sous les sommets nus de la Bonette. Spontanément,
j’écarte les bras comme pour accueillir cet instant magique, et j’entends la
voix de Damien, derrière moi : « C’est quand même génial,
non ? » Les marmottes sifflent et s’échappent à notre approche. La
chaleur du soleil a quelque-chose d’englobant, de liquide. L’effort se change
en mécanique naturelle. C’est un moment privilégié, et nous en avons tous les
deux conscience.
Nous allons perdre un peu de
temps à discuter entre le 13eme et le 16eme kilomètre, durant lesquels une
série de lacets nous fait encore prendre de la hauteur. Dans une section qui
redescend légèrement, Damien sent que je coince un peu et accélère. Il me décroche
au train, et prends rapidement une vingtaine de mètres. Je sais qu’il sera
difficile de revenir avant l’arrivée, mais je donne le maximum pour ne pas
avoir de regret. Après quelques passages entre de beaux blocs gris qui se
détache sur l’herbe opaline, un dernier mur nous fait rejoindre l’arrivée –
c’est le seul secteur qui me forcera à la marche. Je termine second en 1h54,
une minute derrière Damien et huit devant Alain. Stéphane finit sixième, belle
performance pour sa première course de l’été.
Sur la ligne d’arrivée, nous
sommes accueillis avec impatience par les organisateurs, qui s’inquiètent déjà
des améliorations à porter à leur épreuve. Difficile de trouver à redire, tant
tout est parfait pour une première édition, tant en termes de parcours, de
ravitaillement, de balisage que d’organisation. Après une heure passée au
soleil à applaudir les autres participants, je décide de repartir sur le
parcours en sens inverse, à petites foulées, pour profiter encore des paysages.
Merci encore à l’organisation pour cette course si spécifique, qui a toutes les
qualités pour devenir une classique des Alpes du Sud.
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